dimanche 20 septembre 2009

La souffrance du maître nageur

Educateur sportif, Gaston Houdry n’exerce plus depuis deux ans. Comme des dizaines de maîtres nageurs en bassin couvert, il souffre d’avoir été exposé aux chloramines. Mais il ne parvient pas à faire reconnaître cette maladie professionnelle par son employeur.

Si les troubles respiratoires liés à l’exposition aux chloramines sont connus, ils tardent à être répertoriés comme maladie professionnelle par l’administration.
Gare à ceux qui en sont atteints : un véritable parcours du combattant les attend. Depuis plus de deux ans, Gaston Houdry, éducateur sportif au syndicat d’agglomération nouvelle (San) du Nord-Isère, se bat pour faire reconnaître sa maladie comme maladie professionnelle.

Cet athlète de haut niveau travaille depuis 1993 à la piscine de Saint-Bonnet, à Villefontaine, comme maître nageur. L’été, en plein air, et l’hiver autour d’un bassin couvert. Il y a trois ans, il commence à souffrir d’une gêne respiratoire de plus en plus prononcée.
Etonnant, pour un homme qui n’a jamais fumé et qui s’est toujours imposé une stricte hygiène de vie. Même son footing quotidien devient difficile. Lui, le féru de compétitions, lui qui vient de participer aux championnats du monde de parapente et qui a remporté la coupe de France de course d’orientation de ski de fond... s’essouffle pour monter les escaliers de son immeuble.

Gaston Houdry a perdu un tiers de sa capacité respiratoire
« Ce qui m’arrivait était vraiment difficile à accepter. Il me devenait impossible de rester une semaine complète autour d’une piscine. Je ne tenais pas plus de trois jours sans attraper le premier virus qui traînait, se souvient le sportif. A chaque fois que je revenais vers le bassin, mes difficultés respiratoires empiraient. » Son médecin traitant ainsi qu’un spécialiste des voies respiratoires lui découvrent une forme d’allergie asthmatiforme, qui évolue en asthme chronique. Le 15 mai 2001, le médecin du travail du San déclare Gaston Houdry inapte au poste de maître nageur : il a perdu un tiers de sa capacité respiratoire. Le surveillant de baignade remplit alors un dossier de prise en charge en longue maladie, puis en maladie professionnelle, qu’il présente au comité médical de la fonction publique en novembre 2001. En attendant, il est arrêté pour « maladie ordinaire » et ne peut s’absenter de chez lui qu’à certaines heures.
Malgré ces démarches, la maladie professionnelle n’est pas reconnue. Son médecin du travail l’autorise alors à reprendre le travail à condition qu’il ne mette plus les pieds au bord d’un bassin. Une véritable libération pour Gaston Houdry, qui ne supportait plus d’être enfermé à la maison depuis près d’un an, en attendant « les régulières visites de contrôle des médecins ». Mais c’est sans compter avec le peu de considération que semble lui accorder son employeur. Celui-ci lui envoie un premier courrier, le 9 novembre 2001, dans lequel il l’informe qu’il n’y a pas de poste disponible pour lui. Le 22 février 2002, le San place le maître nageur en « disponibilité d’office », en attendant sa mise « à la retraite pour invalidité ».
Or Gaston Houdry, qui a cinquante-trois ans, n’a pas travaillé le nombre d’années requis pour toucher une retraite convenable. Sur les conseils de Jean-François Béal, militant syndical à la Cgt et président de la Mutuelle du San, il adresse à son employeur une demande de « recours gracieux ». Compatissant, semble-t-il, ce dernier consent à lui proposer, à la mi-avril, un poste au service « qualité de l’espace urbain » pour, notamment, « ramasser les ordures diverses » et « nettoyer les marchés à la demande ». C’est faire peu de cas de ses problèmes respiratoires !
Humilié, le maître nageur refuse la proposition. En mai, l’employeur finit par lui offrir un poste à la bibliothèque. Et depuis (cela fait sept mois), Gaston attend. « Je suis passé de commission en commission pour la reconnaissance de la maladie professionnelle, qui permettra mon reclassement », constate-t-il, blasé par cette interminable attente.

Maladie professionnelle reconnue pour Marc Souchal
Echange de courriers, entretiens... les longues et éprouvantes démarches imposées à Gaston Houdry ne sont pas, heureusement, le lot de tous. Bien épaulés, certains maîtres nageurs ont eu moins de mal à faire reconnaître leur maladie professionnelle. C’est le cas de Marc Souchal. Alpiniste, triathlète et randonneur, celui-ci remarque, en 1999, une chute brutale de ses performances.
Dans le même temps, il attrape bronchite sur bronchite. Son médecin lui propose des examens poussés, grâce auxquels il décèle « une maladie respiratoire, très vraisemblablement en relation avec son exposition prolongée et cumulée à des produits irritants, qui nécessite une éviction totale de ce milieu ». Le 9 mai 2001, le médecin du travail le déclare « inapte au poste de maître nageur-sauveteur » et demande qu’il soit « reclassé dans un poste à l’extérieur de la piscine ». Le 29 avril dernier, la commission de réforme reconnaît que l’affection dont souffre Marc Souchal est bien une maladie professionnelle et lui propose des indemnités. Attentif à ses problèmes, son employeur, la mairie du Pont-de-Claix, lui propose un poste d’éducateur sportif.
A la différence de Gaston Houdry, Marc Souchal s’est senti compris et aidé durant ces mois d’incertitude. Un soutien d’autant plus important qu’à la maladie viennent souvent s’ajouter des difficultés d’ordre relationnel.
C’est ce que note Thierry*, lui aussi maître nageur et également malade des bronches : « J’étais irrité, agressif, je n’avais aucune envie de dialoguer », reconnaît, la voix cassée, le sportif, qui ne trouvait plus de motivation pour travailler. Si son employeur lui a proposé d’enseigner aujourd’hui le surf et la plongée, Thierry sait que cette maladie a brisé sa carrière. « J’étais chef de bassin, j’allais passer chef d’établissement... », regrette-t-il.

Source : viva.presse.fr

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